Languedoc-Roussillon : entretien avec Medhi Moussa

Medhi Moussa travaille en partenariat avec La Verrerie, Pôle Cirque de la région Languedoc Roussillon, depuis quatre ans. Préalablement en charge du Théâtre Na Loba de Pennautier (Aude), Medhi Moussa est le nouveau directeur des affaires culturelles de la Ville de Bédarieux (6 500 habitants), en charge de la programmation de la salle de spectacles La Tuilerie.

23.11.2009

Julie Bordenave

La Verrerie d'Alès

Comment avez-vous été sensibilisé aux arts du cirque ? Mehdi Moussa : Essentiellement en visionnant des spectacles, mais aussi par le biais de l’accompagnement d’artistes en résidence, mené de manière systématique par le Pôle Cirque. C’est une discipline qui m’intéresse depuis des années, par son procédé de création ; les processus conviant chorégraphes, metteurs en scène, lui donnent une force qui le différencie des autres arts vivants. Parmi mes récents coups de cœur : la compagnie Hors piste, que j’ai accueillie dans l’Aude ; Le Cirque Précaire ; la compagnie 9.81 d’Eric Lecomte ; Ï de Blaï Mateu Trias (Baro d’Evel) ; la petite forme extérieure du Girafon de Lonely Circus, et sa structure métallique singulière : un arc exposé sur un socle qui tourne. Le spectacle avait été très bien reçu.

Comment travaillez-vous avec La Verrerie ? MB : Nous menons une collaboration étroite depuis quatre ans, de différentes manières : sous la forme d’échanges autour de spectacles lors de rendez-vous individuels, et lors de réunions communes, organisées par le Pôle Cirque, à La Verrerie ou sur d’autres lieux du territoire, notamment sur le département de l’Aude. L’ensemble des structures de diffusion y est convié, parfois dans le cadre de rencontres isolées, mais le plus souvent après un spectacle. Nous y discutons des projets existants, mais aussi de ceux en création, pour pouvoir nous positionner en "co-coproduction". (Lire par ailleurs l’article : Languedoc-Roussillon, de la scène nationale à la scène vicinale). Guy Périlhou a la capacité de bien parler des spectacles, donc une affinité artistique s’est naturellement créée entre les partenaires, ce qui nous permet de travailler en confiance sur l’ensemble des projets proposés. Guy nous parle de l’évolution des spectacles, son accompagnement des artistes nous permet de mener une collaboration étroite avec les compagnies tout au long du processus de création. Il nous propose parfois d’aller voir des étapes de création, c’est précieux. Il mobilise le réseau pour que l’on soit partie prenante d’une œuvre qui se crée.

Quel genre d’actions culturelles menez-vous sur votre territoire, en sus de la diffusion ? MB : Nous faisons de l’accueil en résidence, et des actions en lien avec la population dans le cadre d’ateliers et de rencontres. Le Pôle Cirque a géré en direct le Lycéens tour : la tournée a fait escale dans un lycée voisin de Pennautier, ce qui a permis de mettre en place tout un ensemble de liens, de partenariats, d’accueillir le spectacle dans d’autres lieux... C’était une forme de partenariat assez fort avec le Pôle Cirque, dans le cadre des actions de sensibilisation à destination des jeunes.

Comment se passe l’accueil de grandes formes sous chapiteau ? MB : A Pennautier, le fait d’accueillir un spectacle à plusieurs structures de diffusion était un projet qui me tenait à cœur. Par le biais du Pôle Cirque, nous avons pu mettre en place l’accueil d’un chapiteau de grande envergure : celui de Fournaise, de la compagnie Attention Fragile. Cet accueil a été rendu possible en s’associant avec quatre ou cinq partenaires : le fait de nous fédérer a permis de faire face aux impératifs techniques, qui auraient été trop lourds pour une seule structure. D’autre part, le pilotage du dispositif Itinéraire de Cirque en Massif Central par le Pôle Cirque dans la région, permet de faire venir à Bédarieux début novembre, avec trois autres co-partenaires du Pôle Cirque sur un grand territoire rural, le chapiteau de Baro d’Evel avec la création Le sort du dedans.

Comment ces actions sont-elles reçues par la population ? MB : Dans le département de l’Aude, l’image relativement traditionnelle qui était véhiculée par le cirque s’est estompée au cours des années. Le public de Pennautier a découvert au fur et à mesure une autre façon de faire du cirque ; certaines personnes découvrent par ce biais un art renouvelé, pouvant ouvrir à d’autres disciplines, notamment aux arts du geste.

Comment se dessine le paysage culturel de la Ville de Bédarieux où vous arrivez ? MB : Je compte y impulser une dynamique assez forte sur les arts du geste en général, le cirque sera l’un des moteurs du projet grâce au partenariat avec le Pôle Cirque. Je voudrais creuser le questionnement du rapport entre espace, œuvre et public ; la manière dont l’artiste gère le public dans son espace scénique. Le rapport frontal banalisé a un peu occulté la question du rapport au public, je vais donc accueillir des scénographies qui traitent l’espace de manière particulière, avec en filigrane la question de la place du public dans une œuvre. Le cirque pose cette question par son traitement de l’espace : la verticalité, le circulaire du chapiteau, l’exploration de l’espace dans des formes plus particulières… La réflexion qui nourrira toute la saison, c’est d’explorer les espaces particuliers (musées, restaurant…), les rapports avec le public – intime ou lointain – l’investissement de l’espace public... J’ai la chance de gérer un espace qui s’adapte à ces problématiques : La Tuilerie possède une salle avec des gradins télescopiques, deux autres petites salles, des espaces extérieurs naturels… Le cirque est parfois encore considéré de manière réductrice pour son côté animatoire ; de mon côté, je le considère comme un art complet, je vais donc tenter de mettre en valeur le travail artistique d’une compagnie dans le cadre de la construction d’une saison, autour d’un questionnement qui va se poser pendant plusieurs années.

SITES A VISITER

La Verrerie d'Alès en Cévennes La ville de Bédarieux Théâtre Na Loba, Pennautier Compagnie Hors Pistes Baro d'evel CIRK Cie Lonely Circus